Catégorie : Khutba

Prêche #65 « L’Alliance ou l’unité dans la pluralité », (Omero Marongiu-Perria, 25 avril 2025)

Cher·e·s coreligionnaires et cher·e·s ami·e·s je vous propose, dans ce prêche, d’explorer une
notion qui a été peu investie, au cours du temps, par les commentateurs du Coran et par les
théologiens. Pourtant, sa portée est très profonde et elle offre des pistes de collaboration
interconvictionnelles, pour la justice, très importantes au regard des défis à relever au sein d’un
monde qui voit resurgir, de toutes parts, les replis isolationnistes et exclusivistes. Dans le Coran,
deux termes expriment la notion d’alliance, ce sont ‘ahd et mîthâq ; on les traduit à la fois par
pacte et par alliance et, dans certains passages coraniques, ils se sont directement dans le
prolongement de la notion d’alliance telle qu’elle se trouve exposée dans le Premier Testament
de la Bible. Cette notion, qu’on peut décliner au singulier et au pluriel, englobe dans les textes
biblique et coranique deux dimensions en constante interpénétration. La première, téléologique
– c’est-à-dire orientée vers une finalité voulue par Dieu –, exprime le dessein de Dieu pour la
création et le salut de l’être humain dans l’au-delà. Elle renvoie à la compréhension du projet
divin et à la façon dont il s’incarne, à travers le temps, dans les sociétés humaines. De ce point
de vue, il revient à l’être humain de comprendre les commandements divins et de les mettre en
pratique, pour assurer sa place auprès de Lui après sa vie terrestre. Les croyants cherchent ainsi
les signes par lesquels le Tout-Puissant s’incarne dans le monde et leur trace une voie de salut
personnelle. Cette première dimension de l’alliance correspond donc à une sorte de réception,
d’appropriation et d’incorporation des attentes et des commandements de Dieu vis-à-vis des
êtres humains ; on peut la qualifier de “verticalité descendante” car elle est en lien avec le Dieu
qui se révèle.

Prêche #66 « La fête du sacrifice : quels sens et modalités pratiques aujourd’hui ? » (Anne-Sophie Monsinay, 6 juin 2025)

L’alliance abrahamique à l’honneur

La fête du sacrifice commémore le sacrifice manqué du fils d’Abraham. Cette fête est la plus importante de l’islam c’est pourquoi on l’appelle traditionnellement « la grande fête » (aïd el kebir). Ainsi, la fête islamique la plus importante ne rend pas hommage à Muhammad mais à une autre figure prophétique : Abraham. Cela peut paraître étonnant voir déroutant. En réalité, c’est parfaitement logique. Muhammad n’est ni le seul Prophète des musulmans, ni même le plus important. Il est seulement celui qui scelle une longue lignée Prophétique qui démarre par l’alliance conclue entre Dieu et Abraham. Un sceau n’est pas seulement ce qui termine un document. C’est surtout ce qui l’authentifie. Muhammad confirme l’alliance abrahamique tout comme le Coran confirme les Révélations antérieures.
L’islam n’existerait pas sans cette première alliance que Dieu conclue avec Abraham. Muhammad en est l’héritier spirituel et aussi, selon la tradition, l’héritier direct par son ascendance à Ismaël.

Prêche #64, « La colère de Dieu et des Prophètes » (Eva Janadin, Aïd el-Fitr, 31 mars 2025)

Chères sœurs, chers frères en humanité,

Le jeûne est un moyen puissant de développer la maîtrise de soi. En étant privé de certains besoins, on apprend à contrôler ses désirs immédiats et à prendre de la distance par rapport aux émotions impulsives, comme la colère, la frustration ou l’irritabilité. Le jeûne renforce notre capacité à agir consciemment plutôt que de réagir instantanément à nos émotions.

Prêche #59 « La vie après la mort dans le Coran » (Anne-Sophie Monsinay, 14 décembre 2024)

Après la mort d’un proche, nombreuses sont les personnes s’interrogeant sur les étapes et l’état de l’âme de leur défunt. Au-delà de se rassurer, les réponses apportées à ces questionnements participent pleinement au processus de deuil. Par ailleurs, comprendre le fonctionnement de l’après vie terrestre permet de donner du sens à notre lien à Dieu et à nos pratiques religieuses. Il s’agit donc d’un sujet à la fois fondamental et extrêmement délicat car les informations socio-historiques dont nous disposons sur les primo-musulmans ne seront pas d’une grande aide pour élucider l’après-vie terrestre. La science quant à elle offre aujourd’hui quelques éléments de réponse avec les études sur les expériences de morts imminentes (EMI). Si ces dernières permettent de prouver l’existence d’une vie après la mort, avec l’idée que l’âme survit à la mort du corps, elles ne donnent pas de détails sur les étapes de l’après vie. Seuls les textes sacrés pourront apporter des éléments de réponse plus précis.

Prêche #58 « Lutter contre les injustices et l’oppression » (Eva Janadin, 15 novembre 2024)

Chères sœurs, chers frères en humanité,

Comment à notre échelle, en tant que créatures de Dieu, pouvons-nous nous comporter avec équité et justice envers les autres ?

Le Coran a été révélé dans un contexte social bien précis, caractérisé par un système tribal et esclavagiste. À l’époque, la concurrence entre les clans et les tribus était forte, conduisant les plus forts et les plus puissants, notamment ceux qui avaient pris le monopole du commerce de La Mecque, à opprimer les plus faibles et à créer un système social profondément inégalitaire. Le Coran a donc non seulement transmis un message spirituel, mais aussi un message social pour améliorer la situation et nous donner des principes pour permettre de continuer le progrès vers l’égalité complète entre les individus d’une même société. C’est ce que nous souhaitons porter ici dans cette mosquée à travers la notion de progressisme.

Prêche #57 « Les animaux et les prescriptions alimentaires dans le Coran » (Anne-Sophie Monsinay, 11 octobre 2024)

Les versets faisant l’éloge de la perfection de la création et de la nature sont très présents dans le Coran. Ils constituent une véritable cosmologie mystique sur laquelle les musulmans sont en permanence invités à réfléchir et à méditer. Parmi ces versets, les animaux trouvent toute leur place. Le Coran nous explique leur statut, leur fonctionnement et encadre les liens que nous avons avec eux. Ces dispositions ont un impact aussi bien environnemental que spirituel.

Prêche #56 « Marie, figure prophétique entre continuité et rupture » (Marie-Laure Bousquet, 20 septembre 2024)

Dans un livre intitulé « Les femmes, l’amour et le sacré »(1), je lis cette phrase de Nadia Benjelloun tirée de son avant-propos : «  La pire des contradictions que les genres ont entretenue pendant des millénaires a fait coexister la sacralisation et l’oppression de la femme pour laquelle, parfois tout en la chantant, l’homme a souvent été, et demeure encore, dans bien des sociétés, un maître ». Cette supériorité céleste / infériorité terrestre est fermement condamnée à plusieurs reprises dans le Coran. Il s’agira ici pour moi de « dé-bondieuser » Marie, c’est-à-dire de la sortir de cette logique de séparation étanche aliénante et l’inscrire dans un autre mouvement de pensée, celui de l’alliance « corps spirituel, terre céleste » pour reprendre le titre d’un des ouvrages d’Henri Corbin (2). Autrement dit une logique « imaginale », la seule, à mon sens, susceptible de la libérer de cet enfermement dans les insistances obsessionnelles sur sa « virginité », sa « perfection », sa « pureté » qui en font une non-femme réelle ou plutôt une figure maternelle soumise et passive à l’ombre d’un fils prestigieux.