« Anne-Sophie Monsinay et Eva Janadin, les voix d’un autre islam » (Virginie Larousse, Le Monde des Religions, 26 avril 2019)

« Atypique est le chemin de vie de ces deux jeunes femmes, âgées respectivement de 28 et 29 ans. N’ayant aucune origine arabo-musulmane, leur rencontre avec l’islam s’est faite au sortir de l’adolescence. « Je viens d’une famille culturellement catholique, explique Anne-Sophie Monsinay, aujourd’hui professeure de musique. Mais je me considérais comme athée. » C’est une amitié avec un chrétien, à 18 ans, qui la conduit à s’intéresser à la religion. Un mois après, elle vit « une expérience mystique », et commence à lire la Bible, puis le Coran. Au contact du texte sacré de l’islam, elle ressent un appel très fort. Une évidence. « C’était un choix d’amour, observe-t-elle. Un amour pour Dieu, pour ses textes, pour la lignée prophétique inaugurée par les prophètes bibliques, jusqu’au Prophète de l’islam ».

Eva Janadin, de son côté, a grandi dans une famille athée – bien qu’elle-même ne se soit jamais qualifiée de la sorte, préférant l’adjectif d’« agnostique ». Professeure d’histoire, elle découvre l’histoire des religions pendant ses études à l’université. Le sujet l’interpelle ; elle décide d’approfondir ses connaissances. Et, de lecture en lecture, l’étudiante réalise peu à peu que quelque chose en elle a changé. « Ce cheminement a été tellement progressif et naturel. Je suis d’abord passée par une approche très intellectuelle, avant de comprendre ce que signifiait, profondément, se relier à Dieu. »

Le guide intérieur

Au terme de « conversion », que les deux jeunes femmes jugent connoté négativement, elles préfèrent l’expression d’Eva de Vitray-Meyerovitch, célèbre islamologue décédée en 1999, qui déclarait avoir « embrassé l’islam ». Une rencontre de l’ordre de l’amour, donc, qui n’a pourtant pas été accueillie dans l’enthousiasme par leurs familles respectives. À une époque où la religion musulmane est souvent perçue de manière négative, la volonté des deux amies de persévérer sur la voie d’Allah est d’autant plus remarquable. Mais ces épreuves leur donnent davantage de courage encore. Elles espèrent que, par leur « singularité », elle pourront « apporter quelque chose à l’islam ».

Proches du philosophe Abdennour Bidar, Eva Janadin et Anne-Sophie Monsinay ont fondé en 2018 le mouvement V.I.E., Voix d’un islam éclairé, pour incarner un « autre islam » oeuvrant en faveur de « la liberté et l’esprit critique ». Les deux professeures ont donné à leur future mosquée le nom du célèbre oiseau de la mythologie perse, Simorgh, symbolisant le guide intérieur de chaque croyant, qui lui révèle son moi profond. Dans ce lieu de culte novateur, hommes et femmes prieront ensemble, côte à côte. Le voile n’aura rien d’une obligation et la langue privilégiée sera le français. Quant à la direction de la prière, tout un chacun(e) pourra demander à l’assurer, car il n’y aura pas d’imam référent. La mosquée sera ouverte aux musulmans comme aux non-musulmans, afin de pouvoir « partager fraternellement leur spiritualité dans le cadre de cet islam éclairé, spirituel et progressiste ». »

Virginie Larousse
Source : « Anne-Sophie Monsinay et Eva Janadin, les voix d’un autre islam », Le Monde des Religions, 26 avril 2019